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"Tu es Cela - Plus proche que proche - Déjà là"

Approches de la méditation : La maîtrise des pensées (3.6.)

Arnaud Desjardins : Approches de la méditation
(Editions de La Table Ronde - Paris, 1989)
Extraits et résumés


DEUXIEME PARTIE : TETE, CORPS ET COEUR

Chapitre 3 : La maîtrise des pensées

[3.6 : pages 100 à 108]

(Page 100)

"Comment éviter que la pensée crée un karma ?

Toute action est en effet créatrice de karma.
[...] Le karma c'est l'action elle-même mais le karma d'un homme représente l'ensemble des conséquences de ses actes, éventuellement ceux de vies précédentes.

(Page 101)


Toute action, toujours, porte des conséquences et contribue à faire notre destin. [...] Dans certains cas la conséquence de nos actions qui infléchissent notre destin est flagrante. Dans de nombreux autres cas, ce jeu de cause et d'effet demeure beaucoup moins visible. On ne le perçoit qu'avec l'affinement de la vigilance et nous comprenons : "C'est ainsi, c'est mon karma, je ne pouvais pas l'éviter, je n'ai pas pu faire autrement."

A mesure que vous devenez de plus en plus conscients, vos actions sont vraiment des actions et non plus seulement des réactions et pourtant subsiste encore un karma inévitable au sens d'un destin. [...]

Toute action créant un karma, les pensées sont considérées comme des actions par la tradition hindoue. [...]

Toute pensée exerce une attraction ou une répulsion. On peut attirer certaines situations
et, à force de penser [par exemple] qu'on aura un accident, on finit par l'avoir. Affirmer "c'est parce que j'étais destiné à avoir cet accident que me sont venues ces pensées prémonitoires est un subterfuge qui vous permet de penser n'importe quoi et de le justifier ensuite comme prémonition.
La manière dont vous dirigez consciemment vos pensées ou dont vos pensées s'orientent mécaniquement d'elles-mêmes infléchit le cours de votre vie.

(Page 102)

Le point capital ce n'est pas tant le contenu des pensées qui vous assaillent mais comment vous les vivez.
Demeurez-vous confondus, absorbés par les pensées en question ou êtes-vous capables de vous en détacher et de les voir en spectateur ?
En ce cas, vous ne créez pas de karma, et il n'est ni grave, ni inquiétant que les "pires" pensées vous traversent l'esprit. Elles n'imprimeront pas en vous de samskaras nouveaux. Les pensées auxquelles vous ne vous identifiez pas ne sont pas dangereuses. Par contre, celles en face desquelles vous n'existez plus deviennent des actions mentales.
[...]

Reconnaissez [ces pensées] comme des diapositives projetées sur un écran, l'écran de votre conscience. Votre être réel, le témoin non affecté commence à grandir. 

(Page 103)

Mais si vous êtes uniquement un champ de phénomènes et non un être réel, alors le champ, lui, est sans cesse affecté, et les pensées sont vraiment créatrices de karma.

[...] Ne vous complaisez en aucun cas dans ces rêveries. Voyez-les mais ne les nourrissez pas.[...]

Il ne faut pas avoir peur. Si vous avez peur, vous aller réprimer ces phantasmes et vous perdrez l'occasion de purifier votre psychisme. Ne jugez pas : "Eh bien oui, oui, ces pensées sont là. Qu'est-ce qu'elles me montrent ? Qu'est-ce qu'elles me disent ?" Surtout ne les condamnez pas ! Si vous ne vous horrifiez pas de ce genre de pensée, vous n'avez rien à craindre. Malheureusement vous prenez peur et vous vous inquiétez. Ne vous effrayez pas mais ne pactisez pas non plus avec elles sinon je vous donne un bien pernicieux conseil, et votre rêverie deviendra créatrice de karma, vous éloigne du but, vous enlise de plus en plus dans le jeu de l'action et de la réaction.

(Page 104)

[Savoir mettre un terme aux pensées : non !]

Je vois, je ne me juge pas, je ne m'identifie pas, je regarde, je laisse monter le message. Et, maintenant, ça suffit. Mais si par la force d'inertie d'une habitude qui commence à se créer depuis cinq ou six jours chaque fois que vous [vous trouvez dans un même lieu, une même situation] les [mêmes] images [,pensées] obsessionnelles vous reviennent à l'esprit, alors là non, au moment même où la pensée vient, non. Et c'est possible.

Dans vos tentatives pour ne plus penser, ou penser moins, vous serez également confrontés, au moins à certains moments, à toutes sortes d'imaginations qui viennent de désirs encore non accomplis ou seulement partiellement accomplis et qui en elles-mêmes ne sont peut-être pas irréalisables ou absurdes : ce dont vous rêvez pourrait éventuellement se produire.
[...]
[Là il faut faire la différence entre prévoir et imaginer. Prévoir est justifié, imaginer, non]
[Ces] scénarios mental font aussi partie des pensées qu'il faudra éliminer un jour.
[...]

[Pour autant, A. Desjardins nous invite à une certaine souplesse avec nous-même]

Ne vous demandez pas l'impossible. La disparition des pensées que je vous propose concerne le niveau le plus élevé. "Qu'est-ce que je peux faire au stade où je suis pour me rapprocher de ce niveau ?"
Voir que vous pensez c'est déjà beaucoup. Ne plus vous laisser entraîner à penser tout haut dans des conversations stupides, vous pouvez également vous le demander.

(Page 105)


Mais face à ces rêveries [...] il faut lâcher un peu de lest. "Jusqu'où puis-je aller, jusqu'où puis-je les autoriser ?" Si elles montent à la surface, c'est qu'elles correspondent à quelque chose dans la profondeur.
[...]
La vigilance consistera donc pour vous à observer quelles rêveries ont tendance à être récurrentes plutôt que de les nier et de vous les interdire. [...]
Ces pensées diminueront beaucoup avec les satisfactions que vous donnera l'existence.
[...]
Appréciez ce qui vous est nécessaire afin d'éviter la répression pure et simple et demandez-vous, peu à peu, plus de rigueur pour que ces rêveries ne dépassent pas les borrnes non plus.

(Page 106)

[...]
Que vous soyez débutant sur la voie ou disciple avancé, il y a une manière de se situer ; jusque-là mais pas plus loin. Sinon cela devient ce qu'on appelle en Inde, "to indulge", mot très utilisé dans les ashrams, qui signifie se complaire, se vautrer. Vous vous permettez tout sans aucun contrôle et il n'est plus question de "chemin" ou de "voie".

Un effort très précis doit intervenir, que Gurdjieff appelle la friction du oui et du non. Oui, je veux rêver ; non ru ne rêveras pas. Il s'agit de demander quelque chose, de lutter contre une facilité dans laquelle nous aurions tendance à nous installer et qui irait à l'encontre de notre propre but.
"Ah, comment ? Lutter contre ? Arnaud nous a toujours dit qu'il ne fallait pas être contre, qu'il fallait être un avec". Essayer de comprendre en profondeur plutôt que de butter sur les mots. "Lutter contre" peut d'abord être compris à un niveau physique : je suis en zazen et j'ai envie de bouger, j'ai envie de me gratter. Non, je ne me gratterai pas, que j'en ai envie ou non.
[...]
De même, au niveau de la tête, si celle-ci veut penser et que je décide de voir, une lutte s'instaure. C'est une grande lutte, un grand combat, ce que les musulmans appellent djihad, une guerre sainte.
 
(Page 107)


Le chemin est aussi le combat d'une part de vous-même contre une autre part, une part plus intelligente qui comprend ce que sont la sagesse et l'éveil et qui lutte contre les compulsions mécaniques, la force d'inertie des habitudes. Je ne rêve plus, j'arrête, ça suffit.

Faites attention parce que le fait de vivre en rêves une part de votre existence peut vous détourner de l'accomplir concrètement.

Il faut bien distinguer les rêveries compensatoires à des manques [...] et l'installation dans ces rêveries qui vous détournera de vivre dans le réel.

Par contre, il existe une méthode très efficace pour satisfaire certains désirs sans les accomplir, la visualisation consciente et délibérée de cet accomplissement. Vous pouvez gagner une habileté de plus en plus grande dans cette ascèse bien particulière. Vous ne supprimerez pas complètement le désir mais vous lui enlèverez sa force contraignante, vous en serez libre, vous pourrez lui demander le silence à votre gré.
[Pour cela, il faut] visualiser consciemment, très consciemment [sans omettre les parties les plus désagréables conséquences négatives de cet assouvissement].[...]

Si vous jouez le jeu de tout votre être, le désir perdra son pouvoir et ne vous distraira plus quand vous tenterez de méditer.

(Page 108)


Il s'agit d'une méthode [...] proposée par Swami Prajnanpad à A. Desjardins : la rêverie intentionnelle et menée méthodiquement pour extirper les rêveries compulsives.[...]

[Son maître disait également :] "See and feel" [...] "voyez et ressentez". Ressentir s'avère l'opposé de penser. On pense au lieu de ressentir. On pense pour ne pas ressentir. Ressentir, éprouver est vital sur la voie, même s'il y a un peu d'émotion dans ce que nous ressentons, une émotion qui va se purifier de plus en plus.
Le mot anglais feeling est intéressant parce qu'on l'utilise aussi bien pour la sensation que pour le sentiment. Les deux sont essentiels. Ressentir de plus en plus finement contrebalance efficacement l'esclavage des pensées.

Mais la méthode est toujours de commencer par le plus grossier, le plus simple, avant le plus subtil.
Pour que la disparition des pensées joue un rôle dans vos vies, par quoi allez-vous commencer ? Par la base, qui est de vous surprendre en flagrant délit lorsque vous vous laisser emporter et de vous rendre compte : "En ce moment je ne vois plus, j'ai quitté le réel. Qu'est-ce que je suis en train de faire : pactiser avec les pensées,  croire qu'elles ont une valeur ? J'arrête ce processus."


Résumé et extraits d'Approches de la méditation d' Arnaud Desjardins .- Editions de La Table Ronde, Paris, 1989.
Table des matières

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