Arnaud Desjardins : Approches de la méditation (Editions de La Table Ronde - Paris, 1989) Extraits et résumés Table des matières Première partie : Vue d'ensemble Chapitre 1 : Concentration et méditation [1.2. : pages 24 à 37]
(Page 24)
[La position de témoin (Sakshin)] :
"Cette position du témoin est une dissociation, mais non une dualité, tant le témoin est neutre, sans aucun jugement, aucune appréciation des pensées nobles, aucun mépris pour les pensées vulgaires, juste témoin."
[Cette forme de méditation est conseillée par A. Dejardins mais il insiste sur le fait que "ce n'est pas la seule qui puisse [nous] "aider à progresser".
(Page 25)
[Longtemps A. Desjardins a médité sous forme de concentration de l'attention avec bien des difficultés jusqu'à ce que plusieurs maîtres, dont le sien, lui conseillent d'adopter cette position de témoin.
Ils lui dirent de ne plus lutter contre les distractions mentales par ces mots :]
"Let them com, let them go " [ce qui signifie] "Laissez-les venir, laissez-les partir"
[Son maître, Swâmi Prajnanpad, ajouta :] "Let them come, they will go !" [ce qui signifie] :
"Laissez-les venir, elles s'en iront". "Tout ce qui vient s'en va, tout ce qui apparaît disparaît".
[...]
(Page 26)
[...]
(Page 27)
Dit autrement : "Etre conscient, mais une conscience vide, pure, tout en sachant que nous ne pourrons pas demeurer dans ce silence ; accueillir complètement les distractions au lieu de les considérer comme des ennemis qui viennent nous distraire dans notre concentration, et regarder.
"On retrouve la même approche dans le zazen [...]"
(Page 28)
[...] "L'énergie en [nous] s'exprime sous trois formes : physique, émotionnelle et mentale. ce sont trois niveaux de fonctionnement. [...]
Le niveau de fonctionnement sur lequel vous avez le moins de pouvoir, pour ne pas dire aucun pouvoir, c'est l'émotion.
[Nous avons par contre] un petit pouvoir sur le corps, [...] sur les pensées."
(Page 29)
[Il faut ainsi se servir du petit pouvoir que nous avons sur le corps, sur les pensées pour apaiser également les émotions.]
[...]"A cet égard, l'image utilisée en Inde, est celle de l'éléphant sauvage encadré par des éléphants dressés. On a constaté que pour faire voyager un éléphant sauvage qui vient d'être capturé, il suffisait de le placer entre deux éléphants dressés et qu'il marchait alors tranquillement avec les deux autres, s'arrêtait en même temps qu'eux et repartait quand ils repartaient. De même, on peut encadrer l'émotion par les deux éléphants au moins quelque peu apprivoisés du corps et de la pensée."
(Page 30)
[...] [A. Desjardins s'est demandé si cette parole du christ :] " Si deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux" [n'était pas le reflet de la règle qu'il énonce plus haut. Lorsque ] "la pensée et le corps sont réunis par la sensation, la conscience du corps, "Je suis au milieu d'eux".
(Page 31)
"Au bout de peu de temps, en effet, un sentiment particulier apparaît, un sentiment d'être, pas d'être triste, d'être riche ou pauvre, d'être beau ou laid, d'être quoique ce soit- juste être."
[...]
(Page 32)
[...]
"Comme je ne sais pas trop en quoi consiste la méditation, j'attache ma pensée à la sensation, à la respiration paisible, au mouvement de l'énergie qui se répand dans tout mon corps (le prana).
Et, deuxième approche praticable pour vous aussi, vous pouvez vous exercer à la vision des pensées, des associations d'idées, sur fond de vide, comme le ciel bleu dans lequel passe un oiseau.
Je constate que cet oiseau exerce sur moi une attraction parce que je le trouve très beau, ou je constate que cet autre oiseau, comme le pauvre vautour, provoque au contraire en moi une répulsion, mais je ne suis pas happé, absorbé par l'oiseau.
Je le regarde simplement traverser le ciel vide, apparaître, disparaître, sans perdre la conscience de l'infini.
Cela vous paraîtra plus ou moins aisé. Ne vous découragez jamais, Vous pouvez y arriver facilement pendant quinze jours et ne plus y parvenir pendant deux mois durant lesquels vous êtes agités, vous avez envie de bouger et la méditation devient insupportable. Il faut savoir que différents mouvements intérieurs, tendances, vasanas profondes vont interférer. C'est ainsi, ne soyez ni surpris, ni déçus et sachez qu'il ne faut pas s'inquiéter. Au départ les états d'âmes ne dépendent pas beaucoup de vous.
Ce que vous pouvez faire, c'est reconnaître et accepter que ce qui est soit, ne pas entrer en conflit, vous détendre à l'intérieur des tensions et tenter la vision du témoin neutre. Vous vous rendez compte que par l'acceptation pure et simple des images, parce qu'elles viennent, des pensées parce qu'elles montent, celles-ci diminuent, diminuent encore.
Vous resterez -les chiffres semblent minimes à un auditeur profane mais immenses pour celui qui s'est déjà exercé -vingt secondes, trente secondes, sans qu'aucun "oiseau" ne traverse le ciel en question. C'est le commencement de la véritable méditation : vous êtes intensément conscient, parfaitement éveillé, totalement présent à vous-même, sans forme, sans mesure, infini, pas infiniment grand ni infiniment petit, infini au-delà des catégories habituelles de notre pensée, le temps, l'espace et la causalité."
(Page 33)
[Un exercice proposé par A. Desjardins] "qui développe la liberté du témoin":
"Vous prenez conscience de vous ici et maintenant : "Je suis", c'est tout, et vous savez qu'une image, une pensée, une forme va apparaître, dans une, deux ou trois secondes. Je le sais et je ne le refuse pas ; je ne m'épuise plus à lutter contre les distractions.
Pour un instant, je me regroupe, je me rassemble, je suis présent ; pour un instant j'arrête de penser (c'est possible) et je regarde ce qui va me venir à l'esprit, au coup à coup.[...]
Je vais voir au fur et à mesure ce qui va monter de la profondeur de moi-même.
Je me détends autant que je peux. Une idée, une image advient. Je la constate, je la note, et je ne me laisse pas entraîner.
[...] Au moment où une image monte, quelle qu'elle soit, c'est la surprise. Des millions de possibilité sont contenues dans ce chitta (dépôt, réceptacle, entrepôt) et vous ne savez laquelle va se présenter.
Vous essayez d'être témoin de ce que vous ressentez."
[...]
(Page 34)
[...]
"Acceptez [les associations d'idées sans ] vous laissez emporter par toute une série. Attend[ez]. De nouveau retourn[ez] à l'immobilité. Regard[ez] une autre pensée va naître, totalement imprévisible.
[...]
Ceci ne paraît pas transcendant mais c'est peut-être le commencement de la plus haute méditation. Je vois. Je constate. En anglais, "to be aware", être conscient de ce qui se produit. Rien ne passe inaperçu.
Vous pouvez aussi, toujours avec ce recul qui n'est pas une dualité parce que vous n'avez ni jugement, ni attraction, ni refus, mais juste une vision neutre, sentir un peu plus profondément ce qui est contenu dans l'image venue à la surface."
(Page 35)
"Pourquoi particulièrement celle-ci, qui paraît peut-être anodine ? [...] [Quels sont] l'arrière-plan et la richesses contenus dans cette image [?]
[...] Mais [attention de ne pas] vous laisser happer de nouveau par les pensées, [...] de ne pas perdre la position de témoin qui demeure l'essentiel."
[...]
[A. Desjardins nous invite à nous méfier] "des méditations qui ne sont que des drogues, des anesthésiants, des fuites, des plaisirs pour l'égo et qui ne détruiront jamais le mental, au contraire"
(Page 36)
[Pour A. Desjardins] "plus que l'aspect "connaissance de soi", [ce qui lui semble important] c'est [...] la discrimination du spectateur et du spectacle, le retour à la conscience vide, à l'océan dans lequel naît une vague et auquel la vague retourne."
Avec un peu plus de pratique, vous pourrez dépasser [le regard sans jugement] "au coup à coup" [porté sur chaque pensée survenant], vous pourrez laisser le mental vagabonder, tout en conservant sans effort héroïque la position de témoin, comme si vous étiez vraiment conscient que vous regardez un film, non plus des diapositives mais un film avec un sujet, un thème. Vous y arriverez relativement vite.
[...]
(Page 37)
" "Autorisez le libre-jeu du mental" et en même temps soyez conscients de vos rêveries diurnes, ces rêveries qui d'habitude vous happent, auxquelles vous vous êtes identifiés et dans lesquels vous n'existez plus en tant que sujet distinct et autonome. [...] Vous regardez comme si vous n'étiez pas concernés alors qu'en fait, d'una utre point de vue, vous êtes tout à fait impliqués puisque ce sont vos rêveries à vous dans votre cerveau à vous. Vous êtes sur la rive et vous voyez couler le fleuve de votre cinéma intérieur.
Cette vigilance va grandir avec la pratique."
[...]
"Cette non-identification va avoir des échos dans le courant de votre existence où vous retrouverez plus facilement cette dissociation. Voilà les soucis, les inquiétudes qui sont en train d'agiter mon cerveau et mon coeur [,] et moi j'expérimente un certain détachement au centre même de cette agitation. Je sais, je perçois que ces agitations ne sont pas le tout, qu'elles concernent la surface, les formes changeantes, momentanées, d'une conscience sans forme, la pure lumière de la perception."
Résumé et extraits d'Approches de la méditation d' Arnaud Desjardins .- Editions de La Table Ronde, Paris, 1989.
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