"Tu es Cela - Plus proche que proche - Déjà là"
Source : Extrait de la Revue 3ème millénaire n°51 : On ne peut-être libre demain (Eric Baret) - Pages 4 à 11.
Eric Baret - Une rencontre n'est que jeu. Jouer est l'essentiel. Pour s'amuser, il faut être des enfants, c'est-à-dire libre de l'histoire, de la prétention à savoir quelque chose, à être quelque chose, ou à devenir quelque chose. Je n'ai aucune réponse, je ne suis pas une bibliothèque. Jouer pourrait être d'écouter en soi-même. Si un sentiment, une émotion, une pensée surgissent, l'exprimer. Je fais de même, la nature des choses est mouvement, sonorité. Etre libre de tout savoir : sinon on ne joue pas, on travaille. Il est trop tard pour travailler
Mais si on ne sait pas jouer peut-être qu'apprendre à jouer est un travail ... ?
On sait tous jouer, parce qu'il n'y a que cela. Vous ne croyez pas vraiment à vos histoires, à votre passé, à votre futur. Dans l'écoute, vous ne pouvez pas croire vos parents, qui vous ont dit que vous étiez nés à telle date, la société qui vous dit que vous allez mourir dans les quarante années qui viennent, vous ne pouvez pas croire votre compte en banque. On peut prétendre se prendre pour son compte en banque, pour sa vitalité, son intelligence, pour sa force.
Mais profondément on ne croit pas à cela. C'est pour cela que tous les soirs, vous abandonnez toutes ces prétentions et vous vous laissez glisser dans le sommeil profond. c'est la véritable jouissance de la journée. Si vous y croyiez vraiment, vous ne pourriez pas mourir chaque soir.
L'histoire d'être quelque chose surgit et c'est merveilleux que ce soit comme cela : elle surgit parce qu'on en a besoin. Quand vous avez peur, quand vous désirez, c'est votre porte sur la liberté, c'est votre porte sur le rien-être. Par mauvaise habitude, on repousse ces portes et on se dit "Je dois me libérer de la peur, de l'inquiétude, devenir libre, un sage. Je dois devenir..., demain"
Voilà la grande misère, vouloir devenir, vouloir être libre, demain, quand je n'aurai plus de peur, quand je ne serai plus comme ceci ou comme cela. C'est souffrance. Mais même cette prétention vous la quittez également chaque soir.
A un moment donné on découvre le mécanisme. Dès que vous prétendez, vous souffrez !
Quand vous ne prétendez rien, il y a tranquillité. La tranquillité est toujours maintenant, elle ne dépend de rien. Vous n'avez pas besoin de devenir, d'apprendre, d'étudier, de vous purifier : vous avez besoin d'arrêter de prétendre d'être quoi que ce soit.
C'est ce que fait un enfant ! L'objet se présente, l'enfant est là. L'objet le quitte, il est sur l'autre objet. A un moment donné on voit combien l'ajournement est ce qui fait souffrir. Vouloir est libre demain, cela c'est la souffrance. Vouloir se calmer, se transformer, faire du yoga, aller en Inde, en Chine, devenir Bouddhiste, devenir... Il est difficile de dormir quand on veut devenir. Tôt ou tard vous pressentez qu'il n'y a rien à devenir. Quelque chose, ou plutôt rien ne se passe. C'est le devenir qui passe.
On ne peut pas chercher à être comme un enfant : cela c'est une attitude d'adulte ! Vouloir comprendre un enfant ! ... Il n'y a rien à comprendre ! ... Il y a uniquement écoute, sans avoir la prétention d'être autre chose, d'être séparé de ce qu'on entend. Vous écoutez.
Votre voisin écrase la tête de sa femme contre un mur, vous écoutez le bruit de la tête qui se brise, vous écoutez votre réaction, votre indignation, vous trouvez cela très violent et vous avez envie d'écraser sa tête contre le mur, parce que la violence, c'est inadmissible. Vous vous rendez compte que vous êtes aussi violent que lui et que c'est pour cela que vous ne supportez pas sa violence. Il suffit d'écouter, comme un enfant. C'est gratuit vous n'avez pas à aller à des séminaires pour l'apprendre. Aucun livre ne peut vous l'apprendre : c'est le voisin quand il écrase la tête de sa femme, qui vous l'apprend, parce que c'est votre réalité dans le moment. C'est ce que vous devez écouter parce que c'est cela qui se passe, cela n'empêche pas l'action bien sûr !
Quand il y a anxiété c'est cela l'objet de méditation. Quand il y a jalousie, c'est cela l'ishta devata. Vous n'avez pas besoin d'aller en Inde pour cela, c'est toujours avec vous. C'est gratuit, cela ne vous rapporte rien : vous ne devenez pas libre, vous ne devenez pas sage, vous ne devenez rien. Il y a uniquement tranquillité. Ce n'est pas la vôtre, elle n'est pas dans votre poche. Jouer est dans l'instant. Demain la peur surgit de nouveau : vous dites merci, parce que ce n'est que vous-même. Cette peur est de nouveau votre écoute, votre vérité, d'instant en instant. On ne peut pas être libre pour toujours, parce qu'il n'y a que l'instant. On ne peut pas être libre demain, parce qu'il n'y a que l'instant. Et c'est un jeu sans participant. Il n'y a que le jeu, personne ne joue.
Je n'ai pas de question, mais je voudrais juste vivre plus intensément. Quand vous avez commencé à parler, j'ai senti une tranquillité qui s'installait. Mais vous avez parlé de l'enfance et de l'intuition de l'enfant à plusieurs reprises. Plus ça va et moins je me sens bien quand je vous entends dire cela, parce que l’intuition de l'enfant je ne l'ai pas connue. Je l'ai connue de façon très furtive et c'est maintenant que je la découvre. Parler de l'enfant pour moi c'est difficile. j'ai l'impression de faire le chemin inverse, de ne pas avoir connu l'enfance insouciante et de découvrir ce qui est inhérent à l'enfant maintenant. Ça me met très mal. Plus je vous entends et plus je sens la colère, parce que les choses ne sont pas arrivées au moment où il le fallait.
La colère est ce qu'il y a de plus haut en vous, d'essentiel. Ici et maintenant. Vous l'écoutez, la sentez, vous êtes libre. Revenir à l'enfance est un concept. L'enfance est maintenant : laissez votre histoire d'avoir eu une enfance. Si vous essayez d'écarter cette colère, parce que cela vous empêche soi-disant de faire quoi que ce soit, c'est un ajournement. Donnez-vous à ce que vous sentez maintenant, ce qu'il y a de plus précieux en vous. Comment le savez-vous ? Vous le sentez maintenant. Il n'y a jamais que l'essentiel qui apparaît. Laissez cela vous remplir. Voilà la tranquillité. Vous ne pouvez pas vous libérer demain, ni dans une seconde. Vous n'avez rien à faire. Vous ressentez. C'est cela l'enfance : ne la cherchez pas dans le passé.
Sentir veut dire aimer, dire oui. La personne ne peut dire que non. Quand vous aimez, quand vous vous aimez, vous aimez tout. Là il ne peut pas y avoir de colère. La colère est une vieille histoire, qui veut faire croire qu'il y a eu quelque chose de faux dans votre vie. La bonne nouvelle c'est qu'il n'y a jamais rien eu de faux dans votre vie. Votre vie est parfaite. Ce qui s'est passé quand vous étiez jeune c'était parfait. Car tout est parfait quand il n'y a pas d'histoires : que les choses devraient être autrement, que Dieu a fait une petite erreur dans votre vie et qu'il vous faut essayer de la corriger. Non. Tout ce qui vous est arrivé, c'est ce qui vous amène à être complètement libre dans l’instant. Il n'y a rien à rectifier : il ne peut plus y avoir de culpabilité, de remords. Tout était parfaitement juste, sauf dans votre histoire que la vie devrait être ceci ou cela. Il s'agit d'être complètement là.
Ce soir, vous avez ressenti une tranquillité parce que vous avez écouté. Vous vous êtes écouté : c'est votre tranquillité, il n'y en a pas d'autre. Elle n'est pas à l'extérieur. Il n'y a pas de situation qui amène la tranquillité.
Quand je vous écoute, il y a une part de moi qui a envie de jouer. Ce qui me vient c'est : à quoi bon écouter, à quoi bon essayer d'être libre, à quoi bon ?
Exactement !
La suite, c'est que de toute façon je vais mourir. Je me sens derrière ça. De toute façon, à quoi ça sert ?
Cela vous le pensez, vous ne le sentez pas. Vous ne pouvez pas sentir la mort. La mort c'est une pensée. Quand vous dites "je sens que c'est inutile de faire quoi que ce soit", vous sentez, c'est votre nature profonde : être sans dynamisme. Vous pouvez sentir que c'est inutile de venir ici, parce que votre nature profonde n'est nulle part. Mais vous ne pouvez pas sentir qu'il y a la mort devant vous. Cela est un concept, une histoire. Vous avez acheté ce concept avec celui d'être né, avec celui de votre nom. Vous le fabriquez à chaque instant. Vous n'avez pas à vous libérer de cela pour être tranquille.
Etre un enfant veut dire ne pas avoir la prétention d'être quoi que ce soit. Vous sentez en vous l'image de la mort, cela ne peut-être qu'une image et c'est votre porte sur la tranquillité.