"Tu es Cela - Plus proche que proche - Déjà là"
Source : La voie du non-attachement : pratique de la méditation profonde - V. -R. DHIRAVAMSA. Editions DANGLES, Saint-Jean de Braye, 1979. - Introduction, pages 9 à 11
Le cycle de la peur et du désir aboutissent à un même résultat : le rétrécissement de la conscience, autrement dit la concentration. La concentration peut occasionner des maladies mentales ou l'auto-hypnose. Comme elle exclut l'indésirable, elle permet aussi l'obtention de maîtrises en tous genres. Mais, de par sa nature, l'esprit doit pouvoir fonctionner en toute liberté, en sorte que si on le force sans cesse dans un canal étroit ou si l'on arrête ses activités, sa dynamique finit par s'exprimer de manière destructive.
[...] Avant toute chose, il nous faut observer la peur - l'état où nous avons peur devant ce qui arrive ou de ce qui pourrait arriver.
L'ennui est également un important empêchement à la pratique de la méditation. Quand on médite, il arrive que le contenu du vécu ne soit ni particulièrement plaisant, ni particulièrement déplaisant, alors on s'impatiente. Lorsque l'impatience ou l'agitation font leur apparition, il convient de leur donner son attention. De cette façon, c'est vraiment l’expérience subjective qui devient l'objet de méditation. L'on n'est pas dans l'expectative d'une chose ou d'une autre, on est dans un mouvement d'attention totale. Et cela est différent de l'état de concentration, car l'attention suit ce qui se lève dans l’esprit sans s'y figer.
La concentration amène le savoir ou les pouvoirs, mais non la vision intuitive, laquelle ne peut-être sollicitée : elle se lève spontanément dès lors que la vigilance passive a transpercé les voiles de l'ignorance de part en part. Lorsque l'esprit conditionné accepte de renoncer à ses accumulations et, que sans mobile aucun il parvient à l'Inconditionné, il cesse de chercher un refuge et s'ouvre au flot de la vision intuitive, renouvelant son contenu d'instant en instant.
Rien ne manque à l'esprit vacant. Mais comme conformément à la loi de changement et d'impermanence, il ne retient jamais rien. Ce qui est neuf et pertinent y pénètre librement d'instant en instant. Quand on cesse d'intervenir dans le cours des événements, qu'on les laisse aller et venir, comme le va-et-vient du souffle, chaque chose est à sa place et remplit sa fonction
C'est à cause de son analogie avec la vie que dans la méditation vipassana on observe le va-et-vient du souffle ainsi que ses variations et dérèglements. A l'instar de la vie, la respiration nous est donnée puis reprise. Il nous faut prendre conscience de cette perpétuelle alternance.
L'observation du va-et-vient du souffle a un sens très profond : elle n'a rien de commun avec ces exercices de contrôle respiratoire où l'on est à l'affût de certains états de conscience ou du déblocage des énergies. L'exercice dont il s'agit est simple et direct. Il n'est pas non plus un jeu. On ne s'amuse pas avec les exercices spirituels, sous peine d’encourir des dangers.
Dans la mesure où l'ego et le mental sont des empêchements au cheminement spirituel, on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux balayer le mental et annihiler le moi. Le mental et l'ego étant nos matériaux de travail, leur destruction n'apporterait rien de positif. Par contre, on peut les purifier, en sorte qu'ils puissent remplir les fonctions de pensée, de sentiment et d'intégration sans la moindre distorsion. Les endommager ou les répudier- et cela vaut de même pour le corps physique - aurait comme conséquence d'aggraver leur activité de déformation. La liberté n'est pas "là-haut"; elle réside dans notre volonté et notre capacité à regarder en bas, en haut et partout alentour, afin d'éviter que l'attitude de fuite ou d'impatience ne vienne creuser en nous de dangereux fossés.
Ce n'est que grâce à l'observation constante qu'on parvient à parfaitement comprendre le mental et l'ego et à abolir leur pouvoir de tyrannie. C'est encore grâce à elle qu'on comprend l'inutilité de la peur et, par-là, apprend à considérer toute chose avec un regard libre
Celui qui accueille en lui aussi bien les ténèbres que la lumière rayonne intérieurement et extérieurement. Le bouddha disait : "La lune ne luit que dans la nuit ; le soleil ne luit que dans le jour. Brahma rayonne dans la méditation mais l'être réalisé rayonne le jour comme la nuit."
[...] Quand on lâche prise, sans se retourner, on découvre en fait le secret de la joie et de l'amour. L'énergie circule, sans s'épuiser en attachements ou en défenses mais en s'exprimant de manière égale dans l'attention sans choix et la sollicitude. L'ego relâchant ses griffes, nous trouvons le bonheur dans l'insécurité et notre vie devient une méditation spontanée sur tout ce qui est.